Cette série raconte une cour en période de confinement, une volonté de sauvegarder les liens et d’en créer de nouveaux. Cette série parle d’architecture et d’urbanisme. Cette série parle de mes voisins.
J’habite une copropriété composée de deux immeubles de 11 étages et 44 appartements chacun. Ils sont disposés de part et d’autre d’une grande cour hors-sol, surélevée de plusieurs mètres par rapport à la rue et couvrant l’imposant garage de la copropriété.
L’ensemble est caractéristique des programmes immobiliers des grands ensembles des années 60-70 : l’urbanisme sur dalle.
La cour est aride, sèche, brute. Une voie d’accès pompiers y dessine un grand rond-point. Le bitume écaillé encercle une étendue d’herbe qui disparait dès que le manque de pluie se fait sentir. Quelques copropriétaires tentent de restaurer un cadre propice à la convivialité : création d’un potager, mise en place d’un compost collectif, plantations de fleurs et entretien des quelques arbustes survivant dans la mince couche de terre, restauration de vélos d’enfants pour un usage collectif.
Habituellement occupée par les seules familles ayant des enfants en bas âge, la cour est devenue le temps du confinement un espace de respiration, de détente, de rencontres et d’échanges.
Des plages horaires ont été instaurées afin de limiter le nombre de personnes présentes : la marche matinale des plus âgés côtoie le cours de gym immuablement programmé à 8h30. Vers 10 h, les enfants descendent pour un temps de récréation dans une tentative de garder un rythme scolaire. La cour fait une pause le temps du déjeuner puis voit quelques amateurs de café s’installer sur les rares parapets en béton. Dans l’après-midi certains enfants enchaînent les tours de vélo et de trottinette, respectant scrupuleusement un sens de rotation défini par une loi naturelle et invisible, d’autres, plus jeunes, y retrouvent cité des escargots et arbuste-maison. La fin d’après-midi verra certains s’essayer aux sports collectifs intrafamiliaux. Enfin, à 19h30, se côtoient ceux qui partagent un verre à 1m de distance et le groupe de la chorale. Ce dernier s’appuie sur une connaissance précise de la géométrie du cercle, forme géométrique parfaite pour appliquer distances et chant en groupe : cercle, ligne courbe passant par l’ensemble des chanteurs respectant une distance individuelle de 1m, et équidistants du maitre de chœur, aussi appelé centre de la formation. Vingt heures, des têtes apparaissent aux fenêtres et applaudissent tous ceux qui prennent des risques pour limiter les nôtres. Parfois un concert improvisé rompt la monotonie de la semaine.
Le lendemain, tout recommence… mais ensemble.
Je fais partie des primo occupants. On a été nombreux à arriver ici jeunes et avoir des enfants qui sont nés ici. Nos enfants jouaient dans la cour tous ensemble. C’était un grand brassage, il y avait une grande mixité et une grande entraide dans cette cour.
Il y a eu quelques petits concerts dans la cour, c’est une sorte de petite parenthèse où on se permet plus de monde, c’est un peu la fête ! C’est très rigolo, y a un petit côté Woodstock confiné.
J’aime bien regarder ce qui se passe dans la cour. Au bout d’un moment quand tu es toute la journée à ta fenêtre, tu repère aussi un peu les habitudes des personnes, tu deviens un… comment dire … là d’où je viens en Picardie on dit des « gogneurs », des commères, visuelles uniquement, pas que tu racontes ou que tu te fais des histoires mais juste par l’observation, il y a un côté comme ça.
Il y a un petit recoin derrière notre immeuble là, à côté du potager et du compost. Il y a un petit peu moins de monde, on peut encore s’isoler […]
Ce qui me manque le plus c’est ma maitresse, parce que ma meilleure copine je la vois tout le temps elle habite la même résidence que moi. Et sinon il y a d’autres élèves à l’école, franchement je ne regrette pas que ce soit le confinement pour ne plus les voir.
Je suis née dans cet immeuble. Et de le quitter, avec ce qui s’est passé, moi ce que j’ai pu voir du coup des derniers jours dans la cour : la communauté qui s’est créée, les liens qui se sont renforcés. Hier je disais à ma mère dans l’ascenseur : « putain vous êtes chiants, c’est chiant de vivre ça au moment où je m’en vais, c’est un peu rageant ! ».
Je suis en 6ème. Je travaille toujours dans la cuisine, devant l’ordinateur de ma mère. J’ai tout le temps des leçons à recopier, des exercices à faire. En semaine je travaille tout le matin et tout l’aprèm : généralement de 9h à midi puis de soit 13h jusqu’à 15h.
Pour le bac par exemple, parce que je suis en terminale, je suis partagée entre le fait que je passerai pas le bac, c’est une épreuve quand même dans la vie, et d’un autre côté, je n’ai pas le stress car je suis quasiment sûre de l’avoir.
Depuis le début du confinement il y a sport le matin, à 8h30 malgré les températures froides du début et de temps en temps la pluie. Et le soir la chorale, le petit moment de chant à 19h30.
Je n’ai pas perdu d’amis mais dans la famille les gens qui ne pouvaient pas assister aux obsèques, c’est quand même bizarre. Ça fait mal au cœur que les gens ne puissent pas dire au revoir aux parents, aux amis qui sont partis à ce moment-là. Il faudrait que ce soit autorisé quand même d’assister aux obsèques de ses proches.
Quand je fais mon jogging, je fais le tour complet de tous les petits trottoirs qui bordent cette cour et comme c’est ennuyeux de compter combien de tour je fais, j’ai dans ma poche des boutons, j’en ai une dizaine. A chaque fois que je fais un tour complet je change un bouton de poche. Le bouton passe de la poche gauche à la poche droite et comme ça jusqu’à épuisement des boutons dans ma poche. C’est mon côté petit poucet. Quand la poche gauche est vide, j’arrête de courir !
J’ai passé les trois premières semaines de confinement avachie sur mon canapé à regarder Instagram. Ca m’est arrivé, pendant quelques jours de regarder Instagram pendant cinq heures. Ce qui est assez maladif et vraiment très très nocif pour moi. C’est devenu une addiction. Je me suis rendue compte au bout d’un temps que mon téléphone c’était moi. C’est à dire que, en général, beaucoup de gens disent que le téléphone n’est pas censé apparaître dans les rêves alors que le mien apparaissait dans les miens. J’avais toujours mon téléphone dans ma poche. Je le connaissais par cœur. J’ai fait une petite pause des réseaux, et ça m’a fait du bien. Maintenant j’y retourne mais je vois plus ça comme une activité, un jeu, et pas comme un outil un peu tout le temps.
Je trouve que ça s’est plutôt passé harmonieusement. On découvre des gens avec qui on n’aurait peut-être jamais parlé autant avant. Il y a une espèce de douceur conviviale. Chacun respecte le confinement malgré ce que dit le gouvernement qui a toujours tendance à montrer du doigt les mauvais français qui confinent mal. Moi je trouve que la copropriété confine bien et plutôt en harmonie.
Le confinement m’a fait prendre conscience qu’on n’a pas nécessairement besoin de courir après le temps.
J’ai fait une chorale avec les voisins. Ça c’était super ! Tout d’un coup les voisins avaient envie de bruit, de son, de musique. Peut-être parce qu’il y avait moins de bruit dehors ? Et ça c’était extraordinaire. Parce que c’est vrai que cette cour on n’a jamais osé tellement l’occuper avec de la musique. On avait toujours peur de déranger les voisins. Et là tout d’un coup on nous demande de faire des concerts, on nous demande de chanter. On chante tous les soirs ensembles et les gens de la chorale sont tristes si on ne le fait pas ! Je ne sais pas quand est-ce qu’on va arrêter ; ça se trouve on arrêtera jamais ! on va chanter tous les soirs, toujours !
Dans le cadre du confinement j’ai trouvé un rythme, alors qu’avant je n’en avais pas. Je suis contente, le matin je marche, je fais un peu de gym, j’essaye de lire, de regarder les films. Avant j’avais envie de sortir tout le temps, et je sortais. Maintenant je fais beaucoup plus de choses à la maison que je faisais avant. Je ne peux pas dire que le confinement est désagréable pour moi.
La cour est grande, avec un cercle, et plein d‘endroits différents : un endroit devant où on est au soleil et c’est agréable, et un endroit derrière où on est à l’abri du regard des adultes, et on peut se dire des secrets tranquillement.
Il y a des petites jeunes à côté de chez moi qui me font les courses, des étudiantes qui sont en colocation. Elles sont vraiment adorables, gentilles comme tout. Mes voisins d’en face c’est la même chose : ils sont très aimables, très gentils. On ne peut pas dire qu’on est malheureux, on est quand même bien entourés.
Comment on a pu se mettre en péril en faisant de tels choix sur l’hôpital ces 15 dernières années ? Qu’est-ce qu’on fait de tout ça maintenant ? Quelles sont les voix qui vont se faire entendre pour se dire « là où on va visiblement ça nous amène dans un gouffre » ? D’un seul coup il se passe un truc du coté de dame nature : c’est toute notre vie qui est en péril, tout notre système économique, tout notre système de santé, tout notre système politique.
Je suis quelqu’un d’assez stressée en général, très énervée, très impatiente etc… et là dès le départ j’ai voulu faire les choses de manière très décontractée, prendre du recul, ça, ça m’a fait beaucoup de bien et J’espère surtout que ça va rester après parce que finalement je me rends compte que je vis bien mieux.
Je viens jouer dans la cour avec mes copines Célia et Alice. On s’occupe des escargots, on fait des vaccins, on les soigne. On a même une reine qui a des rayures. Ce qui est bizarre, c’est que la reine à rayures c’est un escargot que j’avais il y a longtemps et que j’ai retrouvé. Elle a une jumelle et il faut pas les confondre, c‘est difficile. A ces escargots on leur a même fait un jardin, moi si j’étais minuscule j’aurais adoré y être.
Heureusement qu’il y a la cour en fait. Il y a des choses assez belles qui se sont créées. Et puis moi ça m’a permis de renouer avec des voisines avec qui j’avais perdu le contact il y a très longtemps. J’espère que ce ne sera pas comme une vague, qu’on ne fera pas comme si on ne se connaissait plus après, qu’il y aura un lien qui subsistera.
Cela a réveillé des sentiments un peu difficiles pour moi, mais je me suis adapté et j’ai commencé à avoir les mêmes réactions. C’était fou pour moi parce qu’après plus de 60 ans, j’ai retrouvé les mêmes réactions. C’est-à-dire que si vous êtes dans un lieu d’enfermement, c’est à vous même, à votre tête, qu’il appartient de l’agrandir, avec des petits gestes : ne pas marcher toujours dans la même direction, changer de direction, ne pas regarder le mur en face pour essayer de trouver des petits angles où il y a un changement.
Je n’ai rien fait d’inhabituel pendant ce confinement, c’est dommage parce que j’aurais voulu en profiter pour faire des choses : on nous a dit que ça allait être long et ennuyeux mais en fait avec les enfants je n’ai pas une seconde et tous les trucs que je m’étais dit que je ferai en début de confinement à savoir apprendre à ma fille à faire des iles flottantes, lire un livre, regarder l’intégrale de je ne sais quel réalisateur, et bien j’ai absolument pas eu le temps de les faire.
Je me sens plutôt bien, je me dis que ça finira bien par finir. On finira bien par retourner dehors et puis voilà. Il faut juste faire attention. Si on fait attention, il n’y a pas de risque qu’on attrape le coronavirus. Je ne suis pas inquiet, je n’ai pas peur.
Mon rapport aux autres dans la cour varie selon mes humeurs, et mon état de forme. Il est extrêmement variable. Il peut être un peu tendu, il peut y avoir des choses qui m’énervent. C’était surtout le cas en début de confinement, je me disais les gens ne sont pas très sages, ils ne sont pas très sérieux.
Au début on respectait vraiment les gestes barrières. Je me souviens que Léon voulait jouer avec nous au badminton et que mon frère et moi on l’avait violemment repoussé mais à partir du moment où on a commencé à descendre avec Liouba, on a vite été très tactile, on riait, on n’arrêtait pas de se chamailler. Avec les autres je respecte les distances.
J’ai tendance à adopter le point de vue de ma fille concernant le rapport aux autres. Quand je sors en ce moment c’est seulement pour elle et je ne vais pas vers les autres particulièrement. Je suis attentif à une chute éventuelle, je suis assez concentré sur ce qu’elle fait et comme elle n’a pas spécialement tendance à aller vers les autres, parce qu’elle est dans son monde et pour l’instant c’est moi son monde.
Pour moi ce confinement n’est pas une expérience, je ne veux pas trop regarder ce qui me manque. J’ai été inondée par les médias, ou par des copains de catégories socioprofessionnelles un peu élevées, de propositions assez romantiques. On nous demandait d’analyser ce que le confinement faisait en nous, ce qui nous traversait…
Je n’ai pas de déclaration à faire.
Ça donne l’impression qu’on partage tous le même confinement. Je le vois un peu comme un grand bateau, on est tous parfois sur le pont, dans la cour, pour prendre un peu le vent et les embruns.
Avec les parents des fois ça va, mais des fois c’est relou de les avoir tout le temps-là, des moments je suis un peu en saturation qu’ils soient là. J’ai besoin de sortir dehors, vraiment.
Je descends dans la cour en premier pour fumer. Ça m’arrive la nuit quand je ne dors pas. Je descends aussi pour marcher un peu, pour voir les petites que je garde, de loin malheureusement pour moi. Quand je les vois pas, je les cherche, ne serait-ce que pour les entendre.
Je descends pour discuter, me défouler, pour jouer. Je discute avec mon frère, Camille, et aussi Eloïse. Ce qu’on se dit c’est secret, on fait des jeux qu’on invente et on se raconte des choses qu’on a vécues mais assez drôles.
Le moment de se replonger dans les archives…. 12 ans de reportages pour des architectes, des éditeurs et la presse…. mais quelles photos montrer ? le choix sonne comme une […]
#contrechamp #summer19 #thealternativejourney #trueproject Le projet #thefaketravel est un projet estival et récurent, entre fiction et réalité, léger et décalé. (Presque) coucher de soleil sur la route de nos vacances… […]
#thealternativejourney #trueproject #summer18 Le projet #thefaketravel est un projet estival et récurent, entre fiction et réalité, léger et décalé