We were here
We were here nous plonge dans l’obscurité d’une forêt, illuminée çà et là par un halo, un cube étincelant, une tige fluorescente, un rai de lumière. Une nature poétique de branches entrelacées, de feuilles encore aux arbres, ou mortes, tapies au sol, un rocher, l’impression d’un chemin. La série, d’une maîtrise technique minutieuse, se livre en plusieurs temps. Son romantisme de prime abord s’avère plus sombre à mesure que l’on pénètre dans la forêt de Vincent Fillon.
Une faille de lumière au droit d’un rocher nous ramène à l’aube des temps, dans une préhistoire un peu fantasmée, faite de grottes, de feux, de premiers abris pour l’humanité. Ne pas percevoir ce qui éclaire nous rappelle une fragilité presque disparue, l’homme qui cherche un abri, une caverne aux racines de l’architecture, sélection d’un espace de protection déjà là, fait de roches, d’anfractuosités, de surveillance des accès, l’oreille à l’affut. Nous savons pourtant que cet éclairage invisible n’a rien de tremblotant, de vacillant. Sa netteté, sa blancheur, sa froideur, nous parlent de contemporanéité, d’électricité. Plus qu’une préhistoire, ce serait une anticipation. Celle de la fin des hommes ? Quelques survivants à on ne sait quelle catastrophe auraient-ils cherché un refuge ?
Vincent Fillon explore une nouvelle fois la place de l’homme, son impact dans son environnement. Cette fois, la nature s’est faite domaine d’exploration, l’architecture semble s’être muée en objet lumineux, le paysage se concentre sur la forêt. Et l’homme absent se mue en présence impalpable de l’artiste derrière sa caméra.
Fanny Léglise, architecte, auteur.