(dans la cour) #21 – Luc-Antoine
Dans cette cour j’ai toujours bien aimé la bordure de plantations un peu délaissées au-dessus de mon bureau qui est en contrebas, et devant lequel j’ai une courette fleurie. Au-dessus il y a des plantations, qu’on oublie souvent d’arroser. J’ai une affection particulière pour ces iris moins arrosés que les autres et pour le laurier rose. Ouais ça me plaît bien ça.
La cour elle est devenue plus aimable avec ce confinement, paradoxalement.
Avec Marie Christine, on avait notre rituel avant le confinement qui consistait à aller boire nos cafés à « l’express de Paris », lequel café est fermé depuis 2 mois. On a continué ce rituel dans la cour, devant l’appartement de voisins charmants qui partagent le muret avec nous. On y boit le café 2 à 3 fois par jour : le matin, le midi et puis à 14h-15h puisqu’on est complètement décalés.
Je tourne beaucoup dans la cour, un peu moins maintenant parce que je me suis viandé en vélo et que j’ai mal partout… mais sinon je tournais beaucoup en apprenant un poème tous les 3 / 4 jours : ça me faisait mon exercice intellectuel et physique.
J’y ai aussi un rituel avec mes camarades de cour qui boivent du vin, du rhum, de la bière. Moi c’est plutôt du whisky avec Pascal mon voisin de palier, et acolyte en whisky.
Je trouve que ça s’est plutôt passé harmonieusement. On découvre des gens avec qui on n’aurait peut-être jamais parlé autant avant. Il y a une espèce de douceur conviviale. Chacun respecte le confinement malgré ce que dit le gouvernement qui a toujours tendance à montrer du doigt les mauvais français qui confinent mal. Moi je trouve que la copropriété confine bien et plutôt en harmonie.
Le confinement m’a fait prendre conscience qu’on n’a pas nécessairement besoin de courir après le temps.
Je me demande tout de même, par rapport à mon métier [NDLR : Luc-Antoine est comédien] quand est-ce qu’on va retrouver les salles obscures, les plateaux ou les festivals en plein air. Et le public aussi. Et puis s’attaquer à des œuvres, parce qu’on peut s’y attaquer seul, je m’y efforce dans mon bureau mais quand même on fait un métier de contacts ; j’ai envie de le retrouver.
Les contacts ça va être un sujet maintenant avec la surveillance de l’État : les malades, les non-malades, les contaminés, les pas contaminés…
Ce qui me manque le plus c’est la liberté de circuler comme j’en ai envie. Sans attestation.
Luc Antoine, 63 ans, habite la résidence depuis 30 ans, avec sa compagne (Marie Christine) et mère de ses deux enfants (Louise et Léon, 24 et 20 ans).