Dans la cour, c’est marrant de se retrouver avec une communauté qu’on n’a pas choisie, qui est la communauté des voisins. Je pense qu’on est beaucoup à être agréablement surpris du bon temps qu’on passe dans la cour.

Ma compagne Sophie et moi-même sommes musiciens, on a des projets à deux depuis un moment. On avait notamment en tête de faire un projet de musique tango électro. On pensait plutôt le lancer à partir de septembre prochain et d’ici là commencer à y réfléchir doucement. Du fait d’être coincés, de ne pouvoir travailler qu’ensemble, on s’est dit que c’était l’occasion de mettre ce projet sur pied et donc, on s’est créé une petite urgence avec un dossier à boucler, des morceaux à composer. On était trois en réalité, 2 humains et 1 machine : Sophie à l’accordéon, moi au piano, et une nouvelle boîte à rythmes qu’on a appris à utiliser à cette occasion.

Il y a eu quelques petits concerts dans la cour, c’est une sorte de petite parenthèse où on se permet plus de monde, c’est un peu la fête ! C’est très rigolo, y a un petit côté Woodstock confiné. Hier soir il s’est mis à pleuvoir après le concert et on avait quand même envie de rester ensemble, donc on s’est retrouvés un peu coincés, entassés dans le hall, en essayant de garder comme on pouvait nos distances, chacun avec son verre à la main. Les ados jouaient dans un coin, les adultes papotaient. C’était un joli moment.

Pendant le confinement j’ai fait l’école pour ma fille, c’était inhabituel pour moi et très agréable. Voir plus où elle en est, et savoir comment l’aider. Piocher dans des choses de l’école mais prendre aussi d’autres choses qui me paraissent intéressantes à lui donner maintenant, en lien avec la géographie de la France, du Monde, la politique… En profiter pour discuter un peu, regarder avec elle des petits épisodes d’une minute qui parlent de la vie d’aujourd’hui, des violences sexuelles sur les enfants, de Daech,  etc… et en discuter.

Ça donne assez confiance en l’espèce humaine en fait de voir que là, je ne sais pas combien on est, à une centaine d’appartements on arrive à vivre ensemble assez bien. Quand il y a des problèmes, comme quand il a été question de fermer la cour y a tout de suite un petit groupe qui s’est mis en place, qui a réussi à rassurer les plus inquiets et faire en sorte qu’on puisse vivre tous ensemble dans cet espace, se le partager. Le bon sens a gagné haut la main : c’est rassurant par rapport au monde surtout que ce n’est pas souvent comme ça.

Laurent, 45 ans.